Perdre la boule

21 03 2023

C’est un rituel depuis toujours, premier décembre, journée internationale de mon sapin. Tout est en place, sapin, pied, boites de boules, guirlandes, lumières que je prépare dans le même ordre chaque année. C’est important l’ordre, ça nous aide à contrôler ce qui se passe, à s’assurer qu’on n’oublie rien, que chaque étape est respectée jusqu’à la grande finale. Chaque année. Pareil. Tu n’es pas toujours d’accord avec moi là-dessus, je sais bien. Ton petit côté artiste t’amène à faire les choses selon le moment, quand ça te plait, si ça te tente, dans le plus grand des désordres que l’on puisse observer, mais tu sais que j’ai raison. Tout se passe bien comme prévu quand les choses sont prévues. Pas de surprise, pas d’inattendu, comme une pièce de classique à laquelle je suis chef d’orchestre. De la première note jusqu’à la grande finale. La fin, cette boule magnifiquement confectionnée, faite de verre soufflé, d’un blanc translucide avec une étoile dorée incorporée en son centre. Elle a sa place toute spéciale au centre du sapin, à la fin, le centre de l’attention. Tous nos amis l’on dit, la famille aussi, cette boule est vraiment unique. C’est moi qui la mets, qui l’installe, au centre, chaque fois, quand tous les points sur la liste sont cochés, pied, sapin, lumières, guirlandes, boules et BOULE. Tu m’as toujours laissé faire, en fait presque toujours, sauf la première fois, la première fois qu’on habitait enfin ensemble, ça avait pris 3 ans à le faire, fallait que tout soit parfait. Quand Noël est arrivé, c’est là que j’ai vu ce côté de toi qui me déplait tant, cette nonchalance continue qui remplit ton âme. Tu disais que j’avais un peu pété les plombs, mais qui pense à mettre les boules avant les lumières sérieusement ? Tu es simplement faire ce que tu fais de mieux, te sauver dans ton coin pour y faire je ne sais quoi d’inutile. J’ai terminé sans toi, c’était parfait, le sapin était parfait. La suite des choses tu la connais, tu n’es plus jamais revenu m’aider à faire le sapin, tu m’as laissée encore une fois seule dans mon coin à faire cette tâche complexe toute seule. Cette année, ce n’est pas pareil. J’avance, mais c’est un peu différent. Tu as décidé d’être pas dans la maison du tout cette fois, ça brise un peu mes repères et l’envie de le faire. Par chance, ma liste reste là pour me guider dans chaque étape. Pied, sapin, lumières, guirlandes, boules, BOULE… BOULE ???

Je m’effondre en un instant sur le divan, devant le sapin divin qui attendait son illumination, sa grande finale, le crescendo, le dernier crochet dans ma liste de choses à faire. Cette année, tu as décidé de te jouer de moi, tu n’es même pas là pour voir cela en plus. Tu as bien choisi ton moment pour que je m’effondre. Toi et tes trucs non planifiés, de dernière minute et aléatoires. C’est bien toi et ton manque flagrant de préparation, d’ordre de respect des normes. On ne fait pas ça s’enfuir, une semaine avant le sapin, avec la boule que sa grand-mère nous a donnée, et ce pour toujours!