Rejouer en boucle

16 03 2023

On a parlé de tout, sauf de nous. Le périmètre qui nous entourait, s’éloignant lentement du centre, plus les mots défilaient. On était là, pas très longtemps, six heures à peine, pour une toute première fois. On s’est dit ce que l’on fait, d’où on vit, de qui nous entourent, de qui est disparu. Disparus non sans laisser de trace dans nos vies, mais sans faire de blanc non plus dans nos conversations. On s’est parlé de musique, de cinéma, de voyage, de bouffe. Comme tout le monde. On s’est parlé de tout et de rien. On s’est regardé en silence. Tu m’intimidais. L’intensité de ton regard perçait cette coquille de mon coeur fragile. Je te laissais faire, tout en te dévoilant l’effet que tu avais sur moi. Je te regardais en retour, intensément, avec ce désir puissant d’arrêter le temps, cet instant. Suspendre le temps, pas le moment, qu’il dure pour toujours. Toi et moi, là. Nos conversations n’ayant plus vraiment d’importance que de combler ici et là le vide incontrôlable de nos regards déjà bien remplit. On a caressé nos âmes en douceur, sous le regard d’une clientèle qui n’existait pas pour nous. On a parlé de tout, sauf de nous, parce que l’on se connaissait déjà.





Ce que je suis

7 03 2023

Quand la limite fut dépassée, j’ai simplement arrêté, à bout de souffle, de ne plus m’écouter ne faisait aucun sens. Ce que je voulais et ce que je vivais détonnaient, je subsistais simplement entre deux eaux par habitude. Un kick d’adrénaline qui revenait comme ce besoin de boire sans raison particulière. Je me retrouvais toujours dans de beaux draps, entre bonnes mains, un instant, puis je recommençais, même bras, mêmes draps, jamais bien plus loin. L’oasis où il est bien de se reposer, le rêve raté, l’homme que l’on ne possède pas, le mystérieux qui reste là sans un mot, ce qu’il reste, celui qui après mure réflexion valait peut-être la peine. La peine que l’on m’a faite, que je me suis infligée les yeux fermés pour me retrouver encore et encore seul. Ces mêmes personnes qui ne m’aimaient pas vraiment, ou du moins m’aimaient pour cet instant précieux où il est difficile de porter une armure. Quand l’envie de baiser est remplacée par l’envie de vomir juste à l’idée de se retrouver seul, dans un futur proche, plus rien ne faisait plus de sens pour moi. Être fatigué de savoir qu’il n’y a pas de suite en se disant « peut-être que… ». Des peut-être qui s’étiole dès que le vent souffle un brin. L’idéalisation de ce que c’est l’amour. L’espoir de l’amour. Faire l’amour. Aucun regret, simplement l’envie de tourner la page, de faire différent, d’attendre, d’aimer, d’être aimé, mais simplement pour ce que je suis et pas pour ce que l’on voulait que je devienne. Simplement. Si simplement que ça existe, pour vrai. Tellement vrai que ça fait peur, comme ce rêve où le réveil brutal ne donne envie que de se rendormir un instant, pour la vie. Tellement réel que je n’ai plus envie de dormir, si jamais je ne me réveillais pas.





J’ivre

2 10 2018

Il fait frais, il fait froid, un peu comme mon verre, un peu comme moi. Le mercure doucement descend un peu comme mes verres, un peu indécents. À la recherche de chaleur, à la recherche d’un toit, de toi, de moi, je ne sais pas. Je m’assois sur un tabouret, tout bourré, sentant un peu la fumée, sans feu. Je recommence à outrance, en espérant que ça change, en espérant toi que je ne connais pas. Il est dans tes yeux le feu, sans fumée, sans moi. Il brille de mille feux, sans fumée, sans bois. Je bois, sans fumée avec ce feu à côté de moi, dans tes yeux, je le veux, je le vois, je le bois. Je me vide à verre plein et je me plains à verre vide. J’ai cette tendance et je recommence, j’ai du rythme à outrance. Je ne tente jamais ma chance. Je n’ai peut-être pas assez froid. Ou peut-être trop froid, le coeur gelé, sans haut-le-coeur, encore, mais sans être sans coeur. J’ai pris froid quelquefois, quelque part ou quelqu’un, il y a quelque temps, je ne sais plus pourquoi, mais j’ai froid. Puis je pense à toi, souvent sans vraiment prendre le temps, parce que ça arrive, sans que je sois toujours ivre. Quand mes yeux tombent dans les tiens, au lieu de t’embrasser je bois chaque fois sans fin. Mes lèvres se taisent à tort. Puis viens le temps où tout ceci prend fin, où je paie en vain et où je m’en vais. Dehors je vais, il fait toujours froid, mais beaucoup moins que moi. J’ivre au lieu de vivre sans savoir ce qui m’arrive. Quelque chose fond ou je confonds à boire tous ces fonds sans fin, toujours je me retiens.





Prisonnier

11 10 2016

On m’a enfermé. Je suis en cage, littéralement. Je n’ai rien fait, je le jure! Je faisais seulement mon boulot et tout le monde le dit, « Don’t shoot the messenger! », ne tirer pas le messager, c’est mon boulot, rien de plus. Maintenant, je les entends, de l’autre côté de la porte, parler entre eux, rire, se foutre un peu de ma gueule. Je les entends, mais je ne les comprends pas, il parle trop vite et dans une langue qui n’est pas la mienne. Je crie pour qu’on me libère. Au moins, on ne m’a pas torturé. J’ai vu beaucoup d’hommes qui ont souffert par ici. Certains actes même, je suis sûr qu’on tente de me les attribuer. Ce n’est pas ma faute, je me suis perdu, j’allais livrer le message, mais cette ville est si grande, si sale, tout se ressemble, tout sent la même chose, les ordures au soleil, la merde, j’avais raison de me dire que ça ne sentait pas bon. J’ai si faim, je ne sais pas si c’est le jour, la nuit, je perds la notion du temps dans cet enclos obscur où on me tient en détention. Je n’ai même pas eu de procès, on me garde, un point c’est tout, contre mon gré, on fait bien de moi ce que l’on veut depuis ma capture. Moi et cette idée de toujours prendre des raccourcis, pour aller plus vite, pour revenir plus vite, auprès de ma femme que j’aime tant. Je suis parti rapidement, me disant que je verrais surement nos enfants naitre, je ne sais même plus si je verrai le bout du jour, si je sortirai d’ici vivant. J’imagine que c’est ici que mon cousin s’est fait prendre, je n’ai jamais pu discuter avec lui, il m’aurait surement prévenu du danger de cette région. Il faut dire que mes patrons ne sont pas très gentils non plus. Je pars des heures pour livrer des messages, je reviens exténuer et que pour une bouchée de pain. Les dangers sont grands dans la région, soit qu’on se fait capturer, soit qu’on risque de perdre notre travail, peu de gens font encore affaire à mon service de messagerie, plus le temps passe plus les gens se privent de moi. On risque aussi la mort à tout moment, les voitures, les gens, les enfants. La vie de pigeon voyageur n’est vraiment plus ce qu’elle était.

 

 

 

 

Inspirée de : http://www.lapresse.ca/actualites/insolite/201610/03/01-5026809-inde-un-pigeon-en-detention-pour-une-lettre-de-menaces.php





J’écris

24 05 2016

J’écris. J’écris pour toi, j’écris pour ça, mais j’écris surtout pour moi. J’écris depuis que je peux tenir un crayon, probablement parce que j’ai peur de la solitude, parce que les mots sont toujours présents, ils sont là pour me réconforter. J’écris par ennui les jours de pluie et j’écris pareil les jours de soleil. J’écris simplement parce que je ne sais pas quoi faire d’autre, parce que le monde m’effraie toujours un peu, parce que de me lire me rassure, je suis humain. J’écris sur mes peurs, j’écris sur mes amours, j’écris sur toi, tu fais un si beau papier. J’écris par habitude, je verse mes certitudes, je suis sensible, j’aime, je vis. Tant de mots pour te dire je t’aime, tant de mots pour tenter de l’oublier. Mon crayon s’accroche, hameçonner à la réalité, ma réalité, je suis là à attendre un prochain chapitre, je suis là à pleurer mon âme pas encore morte, à ne pas vouloir la laisser partir, comme si après c’était la fin, l’ultime, la dernière fois. Je décris ce que je ressens, je me fais du mauvais sang, je fais, je vis et je ne m’apprivoise jamais assez. J’ai peur de demain, de ne plus jamais aimer après toi, simplement par manque d’envie et parce que le futur n’existe pas. J’écris pour me rassurer que je suis toujours en vie, même si des fois je n’en ai pas envie, même si des fois je devrais me taire, le silence n’a vraiment rien pour plaire. Je rêve, comme j’écris. La pluie, les draps, la nuit. Le soleil, la plage, mais toi aussi.





Cherche

26 03 2016

Ce matin je t’ai cherché, dans mes draps pour me coller. J’avais l’impression de tourner en rond dans un grand lit rectangle, ça ne faisait aucun sens. Je sais que tu n’étais pas là, je sais que tu es plus là, j’ai tout de même tenté ma chance. Je ne fais jamais les choses par habitude, je fais les choses parce qu’elle mérite d’être faite. Te chercher ce matin, je me suis dit … des fois que. Le chat couché en boule sur un vieux pyjama qui trainait là, il m’a regardé, j’ai compris, j’ai pleuré. J’ai pleuré pour plein de raison, tel que remplir le vide, l’eau on sait que ça remplit bien n’importe quoi d’assez étanche. J’ai pleuré pour me vider de ma peine, c’était comme des verres communiquant, avec la seule impression que ça ne fonctionnait pas, qu’il en restait toujours un peu, profondément, quelque part, quelque chose qui voulait pas partir, comme rattaché à toi, parce que je t’aime, parce que le vide se replis pendant longtemps. Je t’ai cherché toi longtemps, j’ai toujours un peu cherché en fait, même quand tu étais là, j’ai cherché à me faire aimé, à ne pas me faire oublier. C’est fou de mettre autant de temps dans un projet qui n’en est pas réellement un, dans une histoire qui se finit un jour. J’ai toujours eu de la misère à lire pour cette raison, je n’aime pas les histoires qui terminent, surtout quand je trouve qu’elles sont belles, on aurait envie d’en écrire des pages et des pages encore, pour ne pas que ça se termine, pour que ça chemine au long des chapitres. Je n’ai jamais lu en diagonale, je ne sais pas comment, je ne veux pas savoir comment, j’aime trop ces mots qui me parlent de toi, un peu dans chaque histoire. Il y a des chances que je cherche longtemps comment, pourquoi, quand, les trois mousquetaires d’une réflexion qui fait aucun sens. Je sais quand, je ne sais pas pourquoi ni comment. J’ai l’impression d’avoir tout faite pour pas que ça arrive, j’ai l’impression de n’avoir rien fait pour que ça arrive non plus. Le silence m’horripile, je sais que je dois mettre fin à ma recherche, que ça ne servira à rien, comme du temps de la ruée vers l’or, ce que l’on veut est rarement ce que l’on trouve.





Le large

9 11 2014

J’ai peur que tu m’oublies, j’y ai rêvé mercredi, je te serrais fort dans mes bras et tu glissais doucement entre mes doigts. Tu glissais comme le sable, celui d’un sablier, ou celui de la mer, celui qui glisse doucement sans que je ne puisse rien y faire. Je n’ai jamais cru que le sable serait si cruel, sauf quelques fois oui, dans mes souliers, où il s’était infiltré en douce pour me blesser juste un peu, un petit peu, à chaque pas que je faisais. Il est parfois si doux, si fin, si chaud lorsqu’avec toi j’y marchais en même temps que le soleil glissait dans sa fente pour passer la nuit. Je m’ennuie du sable, du soleil, de toi. J’ai enlevé mes souliers, parce que ça me faisait mal. Je ne croyais pas que tu prendrais le large, si vite, trop vite. Doucement vers la mer je te voir repartir, j’ai le coeur gros et encore tant à te dire. Ces mots qui glissent comme des galets qu’on utilise pour les ricochets, propageant l’écho à la surface de l’eau, tombant dans l’oubli bien avant la nuit. Je suis pétrifié, cherchant où je dois aller, j’ai perdu mon sens, j’ai perdu mon essence, j’ai perdu dans la mer bien plus que mon coeur de pierre.





Maison de campagne

6 11 2014

Je suis une maison de campagne, où chaque semaine tu te reposes. Je suis une maison de campagne où quand s’annonce la semaine tu disposes. Tu me laisses avec mes souris, mes araignées et ce froid immense qui m’envahit. Tu me laisses avec la simple impression d’être dans l’oubli. Quand le soleil transperce l’horizon, d’une journée à l’autre, avec les loups qui hantent mes rêves et cette semaine qui s’achève. Retourneras-tu, encore me voir, un soir, où la lune pleine te rappellera combien tu étais bien sous mon toit? Je suis une maison de campagne que rarement le temps épargne. Je suis une maison dans le bois que personne ne voit. Personne sauf toi, qui me regardes, fais trembler mes planches, battre mes volets, fait jaillir les feux follets. Je travaille sans relâche et doucement mon bois se penche, pour le laisser entré de l’hiver à l’été. Je suis une maison de campagne, qui tremble sous tes absences. Je suis une maison de campagne qui rêve de sa retraite.





C’est comme un rêve

10 09 2014

Je ne prends plus beaucoup mon ordinateur portatif, probablement parce que la technologie fait que je fais la même chose, avec plus petit, plus cher, plus élégant. Aujourd’hui j’ai pris l’ordinateur portatif, parce que je le traine quand même, même s’il est gros, vieux, qu’il chauffe s’il est allumé plus d’une heure, je me sens simplement plus à l’aise, position naturelle, ergonomique, c’est confortable. Je me suis souvenu aussi que c’était un peu long en l’allumant, il faut croire que je perds un peu mon temps, ou patience, qui sait. L’avantage maintenant, c’est que quand j’attends, je tourne ma tête et je vois l’eau, le fleuve, le petit étant entouré de pierre, la petite colline où je vais marcher pour ne pas rester immobile, j’en serais bien capable ces derniers jours. J’avais besoin d’être loin de moi, de la ville, je sais que je viens souvent me rattraper rapidement, c’est pour ça que je bouge un peu, histoire de brouiller les pistes. Je me suis levé fatigué, je me suis levé un peu terne, après dix heures de sommeil, je ne fais pas ça moi dormir dix heures, six tout au plus, quand je dors dix heures, c’est que j’ai bu la veille, mais pas hier, peut-être c’est juste le temps qui me rattrape, qui me signifie que je dois dormir. Ici, je tente de ne pas avoir le contrôle sur lui, sur moi, ça ne donne rien, je suis en vacances. Sur le fleuve, quand on regarde de ce côté, il y a comme un voile qui rend moins clair la rive opposée, une rive comme un rêve, un peu floue. J’ai pris le temps, mes céréales, j’ai laissé le café de côté, le bon café qui brûle l’énergie que je n’ai plus, je ne suis pas encore sorti, je n’ai pas encore pris ma douche, comme si mon corps se solidifie lentement, je crois que j’arrive, je me rattrape doucement, peut-être devrais-je retourner en ville, je ne me croiserais pas nécessairement en chemin. J’ai beau essayé de ne pas penser à toi, mais t’arrives toujours de nulle part, comme une surprise, comme là sur mon laptop, une photo sur le bureau de toi, une photo que j’ouvre, tu es comme un rêve, un peu flou. C’est comme une chambre d’hôtel, c’est probablement l’an passé, à pareille date, parce qu’il y a la bouteille brune et jaune à la banane sur le bureau un peu plus loin. Je m’ennuie tout à coup terriblement, ça doit être de te voir là, de te savoir si loin. Un demi-sourire, une crinière de lionne, une camisole rayée et ton regard sur moi, le poids de ton regard sur moi me manque, c’est lourd de ne plus le sentir. Je crois que je vais aller sur une Isle, histoire de me fuir un peu plus. Je ne comprends pas trop pourquoi tu es là, comme si tu venais de te lever avec moi, mais j’aime ça.





J’ai envie de le rêver

21 07 2014

Le soleil se levait doucement sur une journée magnifique, mes yeux remplis d’eau comme le lac qui me faisait face, un café bien chaud à la main, je te voyais avec moi, là, les pieds dans l’eau, ta tête sur mon épaule. Le vent ne soufflait même pas cette idée qui me traversait la tête, parce que j’étais simplement bien, parce que le miroir qui ondulait doucement quand mes pieds se balançaient, appelait simplement à la tranquillité. Tous ces mots dit par tous, tous ces silences dit par toi, je m’ennuie que d’un, pas de l’autre. Le temps c’est arrêté, simplement un instant, un nuage trahissant son immobilité sur l’eau et de l’autre coté, la lune croissante qui retourne à son lit. J’aime le calme, j’ai le coeur rempli de ça, de toi, de souvenirs, de chose que je n’ai pas envie de voir passer, se passer de moi doucement comme si de rien n’était. Combien de fois puis-je recommencer sans effort de t’aimer? Combien de fois, puis-je risquer cette douleur qui me scie le coeur, simplement parce que je suis parti, laissant un peu de moi, un peu de ce que je suis, dans un temps donné. Je rêve de ça, de matin frais, de ta main chaude sur la mienne, de cette lumière qui ne fait pas réelle, simplement parce que c’est toi qu’elle illumine à mes côtés. J’ai envie de ces soirs d’été, où le rouge feu fait flamboyer tes yeux, ton visage, ton être qui danse au son de musique qui ne dérange personne dans la nuit. J’ai envie de le rêver, par ce que sait que ça existe, que tu existes encore.